La comptabilisation des provisions sur les cotisations RSI (Régime social des indépendants) est une opération comptable souvent redoutée.
Elle concerne les entrepreneurs rattachés au régime des Travailleurs Non Salariés (TNS).
Ce statut de TNS comprend :
- Les entrepreneurs individuels : commerçants, artisans, professions libérales.
- Les gérants majoritaires de SARL et le gérant-associé unique d’EURL.
Pour ces TNS, le prélèvement des cotisations sociales au RSI suit le même principe que l’impôt sur le revenu. Ainsi, des acomptes trimestriels sont versés tout au long de l’année et une régularisation est effectuée l’année suivante.
Cependant, il est généralement possible d’anticiper, dans la comptabilité de l’année, les cotisations qui seront réglées l’année suivante. Cette anticipation de charges dans la comptabilité s’appelle : “une provision”.
Dans cet article, nous vous guiderons donc, à travers des cas pratiques, pour provisionner ces cotisations dans votre comptabilité.
Pour saisir convenablement les écritures comptables de provisions, il vous faudra :
- Comprendre la différence entre les cotisations appelées des cotisations réelles.
- Connaître les taux de cotisation du RSI.
- Evaluer les cotisations réelles.
- Calculer le montant des cotisations provisionnables.
- Passer les écritures comptables de ces provisions dans la comptabilité.
Quelle est la différence entre les cotisations appelées et les cotisations réelles ?
Les cotisations appelées durant l’année N sont des cotisations calculées sur le dernier bénéfice connu. Or, dans la majorité des cas, ce dernier bénéfice connu est celui réalisé durant les exercices précédents : l’exercice N-1 ou l’exercice N-2.
Les cotisations réelles sont des cotisations basées sur le bénéfice de l’exercice en cours : l’exercice N. Cependant, elles ne peuvent pas être prises en compte, en N, par le RSI. En effet, cet organisme chargé du recouvrement des cotisations n’aura connaissance de votre bénéfice qu’à la fin de l’exercice suivant : à la fin de l’exercice N+1. De plus, dans la majorité des cas, le chef d’entreprise ne connaît même pas ce bénéfice. Il doit attendre le début de l’exercice suivant (N+1), avec l’établissement du bilan, pour que son comptable lui fournisse le bénéfice définitif qu’il a réalisé durant l’exercice passé (l’exercice N).
Les cotisations RSI sont donc payées, chaque trimestre, avec un décalage d’au moins un exercice comptable.
De plus, ce décalage est aussi présent lors des deux premières années d’activité avec quelques spécificités.
Pour bien comprendre ce mécanisme et ces décalages, nous allons donc aborder :
- Le calcul des cotisations RSI lors de la première année d’activité.
- Le forfait RSI de la deuxième année.
- Les modalités de régularisation des années suivantes.
Première année : qu’est-ce-que le calcul forfaitaire des cotisations RSI ?
Lors de votre première année d’activité, un forfait de cotisations vous sera appliqué d’office, par votre caisse RSI.
Aussi surprenant que cela puisse être, ce forfait est calculé sur la base d’un “revenu moyen” qui ne dépend pas de l’activité de votre entreprise.
Ce forfait n’a donc aucun rapport avec le niveau réel de votre bénéfice, ni de votre rémunération. Il est identique pour tous les artisans ou pour tous les commerçants.
La première année, pour l’année 2018, ce forfait de cotisations RSI (artisans et commerçants) est égal à : 3 335 € (hors formation).
Deuxième année d’activité : comment mon bénéfice réalisé est-il pris en compte ?
Si vous avez démarré votre activité en 2017, en 2018 pour votre deuxième année, le RSI appellera, en début d’année, vos cotisations sur un forfait de : 3 103 € (hors formation).
Ce n’est qu’à la fin de cette deuxième année d’activité que le RSI aura connaissance du montant réel de votre bénéfice réalisé lors de votre première année d’activité.
Il vous faudra donc attendre la fin de cette deuxième année pour que vos cotisations soient ajustées à votre bénéfice réel.
C’est à ce moment là que certains chefs d’entreprise sont surpris, au niveau de leur trésorerie. Ils ont l’impression que l’Etat prélève le peu de trésorerie qu’ils ont réussi à mettre de côté pour développer leur activité.
Pour mieux comprendre le mécanisme des régularisations de cotisations RSI, nous allons prendre un exemple. Celui de Paul, un brillant chef d’entreprise, avec un statut T.N.S.
Exemple de calcul de cotisations RSI lors du démarrage d’une activité “bénéficiaire” :
Paul a créé son entreprise individuelle, une année auparavant, sous la forme d’une entreprise individuelle (EI).
Lors de la première année, Paul a réalisé un bénéfice “important” de 40.000 €. Mais comme Paul est prudent, il n’a prélevé que 10.000 € de “salaire”.
Lors de la deuxième année, Paul, a réalisé un bénéfice un peu moins important (15.000 €). Mais, voyant que sa trésorerie avait confortablement augmenté, Paul s’est fait plaisir et a prélevé le solde de son bénéfice réalisé lors de la première année, soit 30.000 €.
Le problème, c’est qu’à la fin de cette deuxième année, Paul va recevoir, du RSI, l’ajustement de ses cotisations. Or cette régularisation des cotisations est calculée d’après le bénéfice réellement réalisé lors de cette première année (40.000 €). C’est donc près de 15.000 € de cotisations qui seront appelés, en régularisation, par le RSI.
La différence entre les cotisations forfaitaires (payées) et les cotisations réelles (à payer) peuvent être considérables !
Les conséquences, en cas de manque d’information et d’anticipation, peuvent donc s’avérer fatales pour l’entreprise de Paul et pour la vôtre …
Au delà de la troisième année : le calcul des cotisations RSI est-il plus personnalisé ?
Les années suivantes, le calcul de vos cotisations RSI ne se fait plus selon votre “activité réelle”.
J’entends par là qu’à partir de cette troisième année, les cotisations RSI sont calculées d’après votre revenu professionnel.
Ce mode de calcul permet de ne plus subir de régularisations trop importantes de cotisations si votre bénéfice est constant.
Mais, si votre bénéfice fluctue, alors le problème des régularisations décalées restera toujours présent : vous devrez donc toujours provisionner …
Pour calculer le montant des cotisations RSI à provisionner, vous devrez connaître les taux appliqués par le RSI (on parle aussi de SSI : Sécurité Sociale des Indépendants). Je vous ai listé, ci-dessous, les principaux taux en vigueur au 1er janvier 2018 pour les commerçants et les artisans :
- Maladie-maternité : de 0 à 3,16% jusqu’à 40 % du Plafond Annuel de la Sécurité Sociale (PASS = 39.732 €) soit 15.893 € ; de 3,16 à 6,35% de 40 à 110% du PASS (43.705 €) ; 6,35% de 110% à 5 fois le PASS et 6,50% au delà de 5 fois le PASS.
- Indemnités journalières : 0,85% dans la limite de 5 fois le PASS (198.660 €).
- Retraite de base : 17,75% dans la limite de 1 fois le PASS, 0,60% au delà.
- Retraite complémentaire : 7% dans la limite de 37.846 €, 8% au dessus de ce montant et jusqu’à 4 PASS.
- Invalidité-décès : 1,30% dans la limite de 1 PASS.
- CSG – CRDS : 9,70% calculé d’après le bénéfice auquel on ajoute les cotisations RSI (sur le 9,70%, 2,90% ne sont pas déductibles de votre bénéfice).
Pour la formation professionnelle, la cotisation correspond à 0,25% du PASS, soit 99 €.
Comment calculer les provisions de cotisations RSI ?
Nous l’avons vu plus haut, provisionner revient à comptabiliser, durant l’exercice N, des charges qui seront payés sur l’exercice N+1 alors qu’elles correspondent à l’exercice N.
Pour le RSI, il est possible d’estimer le montant des cotisations de l’exercice N que vous aurez à payer l’exercice suivant.
Pour faire cette estimation, vous aurez besoin d’un montant : le bénéfice de l’exercice N.
C’est sur ce bénéfice que vous allez appliquer les taux de cotisations que nous avons évoqués plus haut.
Mais, si vous m’avez suivi, vous allez immédiatement réagir en me rétorquant que ce bénéfice doit aussi prendre en compte les cotisations provisionnées du RSI !
Du coup, le calcul est sans fin : vous calculez les cotisations d’après un bénéfice qui, lui-même varie en fonction de ces cotisations …
Heureusement, l’informatique vient à notre secours en nous fournissant des outils qui nous permettent de faire ce calcul récursif.
De plus, cette récursivité n’existe que pour les entreprises individuelles et pour les gérants associés d’EURL à l’IR. Pour les gérants majoritaires de SARL et les gérants associés d’EURL IS, les cotisations RSI sont calculées sur les prélèvements du dirigeant.
Prenons l’exemple d’un dirigeant commerçant, gérant majoritaire de SARL. Si ce gérant prélève une rémunération de 40.000 €, nous obtenons les calculs de cotisations suivants :
- Maladie-maternité : 40.000 * 5,93% = 2.372 €
- Indemnités journalières : 40.000 * 0,85% = 340 €
- Retraite de base dans la limite de 1 PASS : 39.732 * 17,75% = 7.052 €
- Retraite de base au delà de 1 PASS : 268 * 0.6% = 2 €
- Retraite complémentaire dans la limite de 37.846 € : 37.846 * 7% = 2.649 €
- Retraite complémentaire au delà de 37.846 € : 40 000 * 8% = 172 €
- Invalidité-décès : 39.732 * 1,30% = 517 €
- CSG – CRDS : 56.000 * 9,20% = 2 720 €
- Contribution à la formation professionnelle : 39.732 * 0.25% = 99 €
Au total, les cotisations RSI de ce gérant s’élèveront à 18.635 €.
Si il s’agit d’une première année de cotisations sans exonération, les RSI n’aura appelé qu’un forfait de
3.335 €.
Par conséquent, vous pourrez provisionner la différence entre les cotisations réelles (18.635 €) et les cotisations appelées (3.335 €) dans votre comptabilité.
Ainsi, c’est près de 15.300 € de cotisations qui seront passées en provision.
Cette provision permettra, de surcroît, de réduire le montant du bénéfice imposable …
Comment passer les écritures comptables de provisions sur cotisations RSI ?
Une fois que votre provision a été calculée, vous allez devoir la passer dans la comptabilité de votre entreprise.
Pour passer une écriture de provision sur cotisations RSI, vous allez utiliser les comptes suivants :
- Pour le débit, vous saisirez dans le compte de charges que vous utilisez habituellement. Ainsi, vous débiterez le compte 646 ou le compte 641 ou des subdivisions de ces comptes …
- Pour le crédit, vous utiliserez un compte de charges à payer. Généralement, vous créditerez le compte 4386 “Organismes sociaux – Autres charges à payer”.
Certains puristes vous diront qu’il ne s’agit donc pas d’une provision mais d’une charge à payer. Peu importe pour vous, car, ce qui compte c’est que le calcul de cette charge et son traitement comptable soit convenablement réalisé.
Exemple de comptabilisation d’une provision de cotisation RSI en N
Imaginons, que vous soyez en entreprise individuelle et que vous constatiez, lors de la préparation de votre bilan 2017, que vos cotisations payées soient inférieures de 5 000 € à vos cotisations RSI réelles.
Lors de l’établissement de votre bilan, vous devrez donc passer l’écriture de provision suivante (pour simplifier, nous supposons qu’aucune subdivision de compte n’est utilisée pour les cotisations RSI) :
Date | Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|---|
31/12/2017 | 646000 | Cotisations de l’exploitant – RSI | 5 000,00 | |
31/12/2017 | 438600 | Organismes sociaux – Autres charges à payer | 5 000,00 |
Grâce à cette écriture, vous rattachez à votre bilan 2017, les cotisations RSI non encore appelées …
Exemple de comptabilisation d’une reprise sur provision de cotisation RSI en N+1
Lors de l’ouverture de votre bilan 2018, cette écriture de “provision” doit être contrepassée.
Si vous ne passez pas cette écriture de contrepassation, vous risqueriez de comptabiliser deux fois ce supplément de cotisations RSI.
Ainsi, au 01/01/2018, vous devrez donc passer la même écriture, mais en sens inverse :
Date | Compte | Libellé | Débit | Crédit |
---|---|---|---|---|
31/12/2017 | 438600 | Organismes sociaux – Autres charges à payer | 5 000,00 | |
31/12/2017 | 646000 | Cotisations de l’exploitant – RSI | 5 000,00 |
Au bout du compte, vous aurez donc bien rattaché, à l’exercice 2017, les cotisations qui correspondent au bénéfice de l’exercice 2017.
Conclusion
Cette écriture de provision sur cotisations RSI est une écriture comptablement, financièrement et fiscalement indispensable.
Grâce à elle, vous diminuerez votre résultat imposable.
Mais surtout, cette comptabilisation vous permettra de connaître le montant des charges sociales qui seront appelées par la Sécurité Sociale des Indépendants dès la clôture de votre exercice comptable.
Cela vous permettra de prévoir la trésorerie suffisante pour faire face à vos prochaines échéances.
A propos de l'auteur :
Besoin d'un Expert comptable ?
Nous vous mettons en relation avec l’expert-comptable qu’il vous faut, près de chez vous
Trouver mon comptable